Perdre le Nord
Les gens à qui je parle tous les jours au téléphone sont distants, idiots, bêtes, retardés, angoissés, ont du mal à s'exprimer et ne comprennent pas toujours très rapidement les choses qu'on leur explique. Ils sont prompts à diriger leur agressivité vers moi, ce que je n'ai jamais eu de mal à gérer, mais quand ils réagissent mal à ce que je leur dis par pure bêtise, c'est toujours un peu chiant. Ils peuvent aussi être distraits par des bruits de fond (télé, membres de leur famille qui leur parlent ou qui hurlent, chiens qui jappent) ou par leurs propres pensées vagabondant (ils sont dans la lune, ou ils sont tout simplement très cons).
Pour des raisons obscures et que j'aimerais bien élucider avant de devenir complètement timbré, je suis l'employé qui reçoit le plus d'appels de mon département. Si une collègue en a reçu 45 en 6h, vous pouvez être certains que j'en aurai reçu au bas mot 95. Ces chiffres sont des statistiques abstraites qui ne rendent en aucun cas tangible la douleur que constitue le fait de prendre tous ces appels.
Vous comprendrez conséquemment que le téléphone n'est pas mon média communicatif favori. Si vous me laissez un message sur ma boîte vocale et que je vous répond par un courriel, c'est un indice.
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Les gens laissent toujours des messages stricts et concis dans leur boîte de courriel lorsqu'ils quittent pour un certain temps. Ils nous renseignent souvent sur la date de leur retour, et qui contacter en cas d'urgence. Avec un mode de vie aussi palpitant que celui des bureaucrates, je me demande bien ce qui pourrait constituer une "urgence", à part une incontrôlable envie de pisser due à l'absorbtion massive de mauvais café, mais passons. Mon avis sur la question n'est pas ici pertinent.
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Il y a quelqu'un au bureau - je ne nommerai personne - qui écoute la radio entre ses appels. Légèrement agaçant pour le commun des mortels, et carrément insupportable pour moi, éternel médiaphobe. Si je travaille dans un centre d'appel et non dans une boutique, ou une clinique, ou n'importe quoi, c'est en partie parce que je n'ai pas envie de me faire DICTER quoi écouter.
Cette contrariété se produit généralement assez tard en soirée, alors que les superviseurs lèvent le camp, et qu'il me reste coïncidemment assez peu de facultés pour bien me concentrer. Toute tentatives de lecture échoue alors, et j'ai l'impression de grandement perdre mon temps. Ma productivité en souffre, et oserais-je mettre la faute sur cette foutue radio pour expliquer mon peu d'élan créatif des derniers jours ? Allons, j'ose.
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Je perds le nord. Ce qui explique sans doute mon absence de contributions récentes. Peut-on blâmer les éléments décevants ? Le simulâcre d'été que nous vivons ? Mon cerveau défectueux qui fait que je perds le fil du temps et que j'oublie des éléments essentiels de mon emploi du temps ?
Il ne s'est pas passé grand chose depuis peu. Je survis. Je tente de me frayer un chemin en vélo de la maison au bureau, et en sens inverse, à travers les trombes de pluie qui font ressembler Montréal à un vulgaire prolongement de l'Amazonie en pleine saison des crues. Je me questionne sur le sens de l'été, sur la tradition qui n'est pas maintenue, sur la déception naturelle que l'on ressent et notre tendance à tout prendre pour acquis. On a eu de tels étés...
Je tente de garder contact avec l'humanité qui m'entoure. Il y a beaucoup d'impulsions qui luttent en moi pour prendre le contrôle, et c'est fort difficilement que je conserve une apparence de normalité.
Le fait que mes vacances sont déjà là et que mes plans pour les combler sont plutôt minces m'angoisse (presque). J'aurais aimé avoir prévu un long voyage en char, aller explorer les plages de Provincetown, ou la route de gravelle qui mène de Manic 5 à Fermont, petite ville emmurée perdue dans le haut de ma copie fatiguée de la carte du Québec. Aller voir de quoi a l'air Venise-en-Québec pour m'assurer que le nom est fondé, en quelque sorte, et non une appelation tape-à-l'oeil dont on a malheureusement l'habitude.
J'aurais voulu aller faire du ski nautique au Lac des Jésuites, me péter le genou sur une roche en me baignant dans le Lac-à-la-Tortue, me pitcher en bas du Pont de Grand-Mère complètement saoul et nager dans la Rivière Saint-Maurice jusqu'à ce que je sois fatigué et que je rejoigne la berge, pitoune d'érable sous le bras comme bouée de sauvetage.
J'avais envie d'aller visiter le centre-ville de Chicago, d'aller m'étendre dans Central Park avec le Village Voice, de débouler une montagne du Colorado ou de me faire attaquer par un ours sauvage dans le Parc National de la Mauricie, en plein camping, sac de Doritos à l'appui.
Je vais aller faire un tour à Shawinigan, histoire de voir de la famille et de dévaler à toute vitesse les rues escarpées de mon patelin natal en vélo. Je vais aller prendre une marche romantique avec Miss Bijoux le long du Saint-Maurice, et je vais lui montrer les bennes hydro-électriques en respirant à pleins poumons l'odeur d'eau semi-stagnante et de pâte à papier qui émane de la Belgo, seul moulin à papier encore en activité dans la région. Du moins, aux dernières nouvelles.
Ensuite, je reviens en ville et je profite de ses attraits. Je me lève tard et je me fais plaisir. Et je fais mes impôts...
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ALERTE ! La vente trottoir du Centre Eaton commence aujourd'hui. Ce qui tombe drôlement bien : c'est ma dernière journée au bureau d'ici le 17 juillet. Je n'aurai donc pas à souffrir cette horde de magasineurs qui passent, bouche ouverte, à un demi kilomètre / heure dans les couloirs du centre d'achats, souvent en famille, souvent dans mon chemin.
Je vous préviens donc... faites attention... Vous ne me verrez certainement pas dans les parages avant ma date de retour au bureau, alors si vous allez traîner là, amusez-vous bien avec la foule de zombies.
1 Comments:
J'espère que tes vacances t'ont permis de recharger de batteries. J'aurais besoin d'un petit boost!
10:58 PM
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