J'ai parfois l'impression que le monde qui m'entoure évolue sous anesthésie, ou que c'est moi qui suis complètement dans les vapes. L'état d'isolement dans lequel je tente de me plonger de plus en plus fréquemment y est peut-être pour quelque chose; quand je suis seul dans mon coin, abîmé dans mes réflections, je suis davantage apte à observer objectivement les êtres qui m'entourent. Et ces êtres feraient n'importe quoi pour ne pas avoir à se retrouver en tête-à-tête avec eux-mêmes. Ils cherchent du regard quelqu'un avec qui discuter, et une fois qu'ils ont trouvé un interlocuteur, ils cherchent quoi dire. Ils n'ont pas de raison précise pour interpeller leur prochain; ils ont juste envie que le temps passe plus vite.
Cela sera peut-être une confession extrêmement égoïste. Peut-être que votre perception de moi changera après cette lecture. Qui sait. Mais j'ai envie d'être honnête aujourd'hui, et de vous exposer une situation absurde qui dure depuis un certain temps au bureau où je travaille. Il y a là du drame, du désespoir, et de la lassitude. De la folie, peut-être, et un écoeurement progressif de ma part. J'ai pas de coeur.
Une femme d'origine iranienne travaille avec moi depuis que j'ai été engagé en août 2003 - eh oui, je suis pathétique. Elle a fui le climat politique de son pays pour venir refaire sa vie ici, avec ses deux fils. Je ne connais pas beaucoup son histoire mais je sais qu'elle élevait seule ses enfants, jusqu'à tout récemment. Elle n'a pas trouvé de partenaire de vie; un de ses fils est mort. L'an dernier, dans une fusillade. La police soupçonne que c'est à cause d'une histoire de drogue. Évidemment, cette femme est depuis très malheureuse. Mais elle travaille encore et semble tenir le coup, et elle a bien entendu un autre fils dont elle doit s'occuper.
Cette femme est étrange. Elle est muslim mais ne semble pas s'embarasser d'une quelconque orthodoxie. Elle est sournoise, et pleine de préjugés. Elle espionne tous les employés de notre département, et rapporte leurs écarts de conduite aux superviseurs. Elle ne regarde personne dans les yeux. Elle chantonne sans cesse. Elle avait un problème d'hygiène corporelle pendant sa première année au bureau et il a fallu que plusieurs employés fassent front commun pour qu'elle apprenne à se laver ou à utiliser du déodorant, peu importe. Et tout cela ne date pas de l'an dernier; depuis que je la connais, elle est comme ça.
J'essaie de m'asseoir le plus loin possible d'elle pour éviter de capter ses marmonnements ou d'être victime de sa constante surveillance. Depuis quelques mois, elle semble vraiment apprécier ses employeurs, puisque même une fois qu'elle a terminé son quart de travail elle reste sur les lieux et flâne. Elle termine généralement à 16h30, et il arrive qu'elle soit encore en train de se ballader à 20h. Et je n'y peut rien : elle m'énerve.
Cette animosité n'est pas gratuite; j'ai déjà personnellement été victime de ses dénonciations. Pour une raison subconsciente qui m'échappe, sa voix m'est extrêmement désagréable. Et c'est tout. Je ne la supporte pas. Suis-je abject ? Question morale : doit-on faire preuve d'indulgence à l'égard d'un individu que nous détestons normalement lorsque cet individu est affligé d'une peine majeure ? C'est à vous de le décider. Les lignes sont ouvertes, nous attendons votre appel.
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Une histoire complètement tirée par les cheveux publiée dans le New York Times d'aujourd'hui :
Encore for Movie Hounds
In true show-business fashion, two black Labrador retrievers who took their act on the road and became a smash hit have been held over indefinitely. The retrievers, Lucky and Flo, lent to Malaysia by the Motion Picture Association of America to sniff out counterfeit DVDs, were originally to stay abroad for a month. Billed as the only dogs in the world trained to detect a chemical used in making the discs, they took part in raids on warehouses, shops and offices that uncovered 1.2 million pirated DVDs and CDs worth nearly $3.5 million. Adding drama and suspense to the dogs’ exploits, Malaysian movie pirates have reportedly put bounties on their heads. At the request of the Malaysian government, Lucky and Flo will be based there “for the foreseeable future,” said Neil Gane, the motion picture association’s senior operations executive.On aura tout lu...
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J'ai récemment mentionné ici un film de Henri Verneuil, LES MORFALOUS. Je suis récemment tombé sur la VHS de I COMME... ICARE (1979), que je m'étais jadis procuré car la somptueuse Brigitte Lahaie y figure; je ne savais toutefois pas que "figurer" était le terme exact. En effet, son temps d'antenne est comparable à sa présence dans le récent CALVAIRE (2004), de Fabrice Du Welz.. Ce qui n'enlève rien à la qualité exceptionnelle du film, bien entendu.
Considéré dans son pays de production comme un classique, le synopsis rappelle énormément celui de Z, de Costa-Gavras, adapté du roman de Vassilis Vassilikos, et qui date de 10 ans plus tôt, en 1969. Yves Montand y tient un rôle similaire de procureur en quête de la vérité, oeuvrant dans la droiture la plus complète contre la corruption générale de tout un système politique. Mes souvenirs du film de Costa-Gavras sont plutôt vagues, car je l'ai vu il y a plus de dix ans alors qu'il passait sur les ondes du légendaire Canal D, alors mes comparaisons s'arrêteront ici.
Le président d'une république fictive - qui ressemble beaucoup au quartier de la Défense de Paris - prône des changements politiques radicaux et est brutalement assassiné par un tueur troublé, ayant agi seul. Ou c'est du moins ce qu'une commission d'enquête en conclut, un an après le drame, après avoir épluché les témoignages de plusieurs centaines de témoins. Cependant, un homme farouche, le procureur Henri Volney (Yves Montand), refuse de signer le rapport car il soupçonne que la vérité est tout autre. Il est donc nommé à la tête d'une nouvelle commission et commence à mener sa petite enquête...
Il est hallucinant de voir se dérouler sous nos yeux cette enquête minutieuse, avec tous les éléments qui tombent en place et une logistique implacable de la part des adjoints de Montand. Bien entendu, l'oeuvre n'étant pas tirée d'un fait vécu, ce sont les scénaristes qu'il faut ici féliciter; Verneuil et son complice Henri Decoin ont fait du beau travail, et pas un seul moment l'intérêt ne faiblit. La cinématographie est exemplaire, à part quelques fautes de continuité - entre autres la présence de montage dans les images supposément filmées par une caméra amateur. Ennio Morricone signe ici une autre belle réussite de trame sonore.
La finale, aussi nihiliste que surprenante, vient sceller un film de conspiration d'excellente facture, qui nous rappelle que ce genre s'est un peu calmé après les années '70. L'oeuvre de Verneuil est toujours aussi percutante, même après toutes ces années.
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On m'a récemment conseillé le film coréen MEMORIES OF MURDER, un film de 2003 de Bong Joon-Ho. J'ai réalisé seulement bien après mon visionnement que ce mec était responsable du récent THE HOST, qui vient en fait d'arriver sur nos écrans canadiens. Il est aussi derrière BARKING DOGS NEVER BITE (2000), un autre succès-souvenir d'une édition passée du festival Fantasia.
On peut dire que MEMORIES... est un film rétro. L'action se déroule dans les années '80, alors que dans une petite ville non loin de Séoul sévit le premier tueur en série de l'histoire de la Corée. Ce dernier n'attaque que des jeunes filles portant du rouge, les baillonne avec leurs sous-vêtements, les viole et les tue. Les flics locaux chargés du dossier patinent, leurs méthodes laissent à désirer, et ils ont même recours à la torture pour tirer de pauvres innocents des confessions absurdes. L'arrivée d'un policier de Séoul, type un peu plus calme aux méthodes moins brutes, va faire significativement progresser l'enquête.
Le rythme est définitivement coréen, et il ne se passe pas toujours beaucoup de choses en plus de deux heures, mais ce film est un enchantement. On peut être agacé par quelques invraisemblances et par la brutalité générale des personnages, mais la cinématographie à couper le souffle et la beauté sereine des paysages ruraux de la Corée nous font rapidement oublier de tels détails. L'intrigue - apparememnt jamais résolue - nous hante bien après que le film soit terminé. Dans le même ordre d'idées, je ne suis pas certain que le film serait aussi efficace s'il n'était que pure fiction; le fait qu'il soit basé sur des événements ayant réellement eu lieu excuse ses quelques faiblesses.
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J'ai toujours eu un faible pour le trash, et ceux d'entre vous qui me lisent régulièrement le savent déjà. Aussi ai-je commencé à saliver quand je suis tombé, hier soir, tout à fait par hasard, sur la VHS d'un film que j'avais oublié posséder : KIDNAPPED COED. Also known as DATE WITH A KIDNAPPER, this 1976 Frederick R. Friedel - unfamous for his AXE flick in 1977 - movie is trashy, of course, and doesn't look very rehearsed. In fact, most of the scenes even look improvised on the spot.
It's about a guy named Eddie (Jack Canon, a forgotten actor with an unforgetable face) who kidnaps the daughter of a rich guy and plans on asking him for ransom. The girl, a shy redhead named Sandra (Leslie Rivers), doesn't seem to want to fight off her abduction, and is almost completely submissive, right away. Eddie takes her to a hotel room where they plan on waiting for a few days, but the front clerk and one of his friends break in the room and rape the girl. The kidnapper kills them both and drives away with his prize, and the two of them eventually start feeling more than animosity towards each other...
A classical "Stockholm syndrome" case, this love story is typically seventies : two city dwellers driving through big bad rural America in a huge blue gas guzzler. Eddie always seems to have to kill to get out of spiky situations, and his brainless coed seems to forget all about it in a matter of minutes. Nobody seems sane here; every character has a lust for blood - or for sex. The characters end up in love, and want to marry. They consider the ransom money a wedding present. The movie ends abruptly, after an awkward bar scene, where our two lovers want to "celebrate" their union. It looks as if Friedel ran out of ideas, or money for film, at that exact moment.
Leslie Rivers appeared as a guard in 1986, in REFORM SCHOOL GIRLS, and has done some work for television in the nineties. Jack Canon's rare other appearances include MAXIMUM OVERDRIVE in 1986, and WEEK-END AT BERNIE'S in 1989 ! Frederick Friedel remains a mystery, and I have a copy of AXE lying somewhere, so perhaps one of these days I'll get to watch it and give you an update about his strange case !
[Notez bien que le "switch" de langue est ici bien involontaire; je dois dormir au gaz. Comme je viens de rédiger tout ce segment en anglais bien malgré moi, je compte bien le laisser tel quel, histoire que vous vous rendiez bien compte de ce que peut occasionner un après-midi ensoleillé passé enfermé dans un bureau rempli à ras bord de retardés, en subissant de constantes interruptions de la part de clients complètement épatés. Le film KIDNAPPED COED est sorti en DVD chez Something Weird en programme double avec HITCH HIKE TO HELL (1977), que je n'ai pas vu. De mauvaises langues me disent que c'est mieux ainsi.]