La Coupe Déborde
Je n'ai pas encore eu l'occasion de partager avec vous mes observations sur le Grand Prix qui, à cause de circonstances particulières cette année, ont pu beaucoup mieux se développer. Tout d'abord parce que je n'ai pas eu l'occasion de quitter la ville pendant le week-end, comme j'ai pris la bonne habitude de le faire les années précédentes, et ensuite car quelques-unes de mes activités récréatives, en plus de mon travail, m'ont amené "au coeur de l'action".
Au risque de me répéter, je travaille dans une tour au-dessus du Centre Eaton; quand je sors du boulot et que je me fais quasiment écraser par une Lamborghini qui passe à toute vitesse sur De Maisonneuve, c'est un signe assez infaillible que la "folie" est en ville.
Toutefois, moi qui croyais avoir déniché le dénominateur commun le plus décérébré qui soit, j'ai dû me raviser. Je ne sais pas si c'est une question de traitement médiatique, ou de désoeuvrement généralisé, mais il me semble que la coupe du monde de football n'est pas passée inaperçue cette année. Peut-être que je sors plus ? Ou que mon niveau de tolérance est en chute libre ?
Voici de quelle façon je vois la plupart des sports. Ils sont une façon de rester en forme, physiquement, tout en abandonnant les responsabilités du monde adulte au profit d'une discipline stricte et de règles que même un demeuré pourrait saisir (...) en replongeant dans les afres infantiles de l'esprit d'équipe et de la camaraderie entre mâles alpha, tout en maintenant paradoxalement un certain niveau de compétitivité. REGARDER un match en cours, donc, n'implique quasiment rien de cela, si ça n'est une projection de nous-même vers un joueur particulier. Rester spectateur devant un "match" alors qu'on n'est pas émotionellement impliqué avec un(e) des joueurs est curieux. Visionner, sur une télévision, à distance, une manifestation sportive ayant comme seul lien avec nous ce que l'on appelle la "partisanerie" devient pour moi incompréhensible, du domaine du paranormal, et est conséquemment une monumentale perte de temps.
On m'a longtemps reproché cette vision arrêtée, mais que voulez-vous, je suis incapable de changer d'avis, du moins à ce propos.
De voir des gens, donc, s'exciter comme des dingues, crier, klaxoner, se pavaner en ville avec des drapeaux de leur équipe favorite et se BATTRE pour une divergence de fanatisme, c'est troublant. Qu'y a-t-il de si différent entre un gars qui se bat pour un argument politique, religieux ou sportif ? Comment en venir aux mains alors que le désaccord est verbal et idéologique ? Lorsque la modernité et l'éducation disparaît au profit d'impulsions primaires et répréhensibles, c'est triste.
Aucune équipe de football ne représente le Canada dans le cadre de cette finale. Les hostilités - puisque c'est comme ça que je les vois - se déroulent en Europe, et ont connu leur conclusion grâce à un autre acte de violence inexpliquable et gratuite : un coup de tête !
Quand j'ai vu des italiens saouls s'énerver et menacer les policiers qui essayaient de calmer le jeu, sur l'île Ste-Hélène, en chemin vers le Piknic du 9 juillet, je n'ai pas trouvé ça drôle, et je ne me suis pas identifié aux pauvres cons qui "célébraient" une victoire imaginaire. Et quand les policiers, effrayés par leur infériorité numérique, se sont mis à "zapper" dans le tas, au hasard, j'ai ressenti un réflexe de satisfaction, comme au cinéma quand le cruel savant fou mange une volée.
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J'ai longtemps entendu dire que DIAL HELP, de Ruggero Deodato (que j'ai vu hier soir en version doublée en français, sous le titre SÉDUCTION TÉLÉPHONIQUE) était le film le plus idiot et inconséquent que le fameux réalisateur avait tourné. Comme j'avais envie de quelque chose de bien con, histoire de rire un peu, et que l'année de production (1988) nous promettait un milésimé pur jus, je me suis laissé tenter.
Je n'avais pas vu la jaquette, mais celle-ci est assez évocatrice :
On nous promet donc un "thriller érotique". Ah, un de ceux-là. Avec, en prime, Charlotte Lewis, qui fait du 32 DD et qui a un "style" assez italien merci : grosses lèvres, courbes exagérées, longs cheveux noirs, yeux sombres et romantiques. Elle passe son temps à faire la moue et à courir, et c'est dans ces moments qu'on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qui se brassent sous ce veston pied-de-poule.
Voilà : Jenny est mannequin, du type écervelée, et elle tente de rejoindre Marco, son bureaucrate d'amant, qui l'évite soigneusement pour on ne sait quelle(s) raison(s). Possible qu'il se soit fatigué de la vacuité de ses conversations ? Elle fait un mauvais numéro car, telle une junkie en manque, ses doigts tremblent en composant sur le téléphone du café où elle s'est arrêté. Ce mauvais numéro, croyez-le ou non, fera d'elle une victime assidûment poursuivie par une énergie destructrice qui voyage à travers les lignes téléphoniques et qui attaque de toutes les façons possibles et imaginables - seul le scénariste en connaît les limites !
La demoiselle fait donc équipe avec son nouveau voisin, un universitaire bellâtre et maladroit, pour se sortir du pétrin. Sauf qu'elle fait constamment exprès pour se mettre les pieds dans les plats : on lui conseille de ne pas rester seule, elle se sauve; on essaie de lui faire comprendre qu'elle a intérêt à se tenir loin du téléphone, et elle se précipite vers une cabine téléphonique... Elle est le prototype parfait de la conne ultime, et tout cela est fort bien rendu par mademoiselle Lewis (d'ailleurs apparue dans un épisode de Seinfeld, "The Switch", en '95).
Considérons donc le téléphone comme une menace. Comment traduit-on cela visuellement ? Eh bien, Ruggero ne manque pas d'idées. Et laissezs-moi vous dire qu'elles sont toutes plus ridicules les unes que les autres.
Le prodige dans tout ça, c'est Charlotte elle-même : elle ne se dévêt pas. Enfin si, mais principalement hors champ, ou avec la complicité du monteur. Nous (les spectateurs mâles, et les curieuses) restons donc sur notre faim, ébahis, bafoués, troublés. Quand Jenny se fait attaquer par un junkie dans le métro, et que celui-ci tente tant bien que mal de lui enlever son chandail, c'est l'âme collective des spectateurs qui agit, c'est une catharsis érotique...
L'érotisme finira par vaincre : 30 minutes avant la fin, inexplicablement, probablement poussée par son téléphone, Jenny revêt un déshabillé et se trémousse, et finit par mettre le feu à son appartement. Elle passera donc le reste du film dans cette tenue, attaquée par des bobines de répondeurs et des fils de téléphone qui la malmènent d'une façon très "bondage". Ce qui n'est pas de refus.
La finale ne fait pas beaucoup plus de sens que le reste du film, et je me dois de confirmer le diagnostic impitoyable des confrères aventureux qui ont eu le malheur de voir ce film avant moi : c'est con, très con. Mais ô combien amusant !
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