A closer look at the pornography of existence

Wednesday, July 19, 2006

La Florida

La Floride, mythique état des USA, parent pauvre de la Californie, terre promise des retraités québécois, a souvent été explorée à la loupe.  Marylin Manson en est originaire, et Larry Clark y a tourné BULLY.

J'y ai moi-même mis les pieds à deux reprises, dans les années '80, alors que je n'étais qu'un ingrat morveux pas très vieux.  La première fois, j'étais plutôt jeune, alors mon petit frère devait l'être encore plus, et c'est sans doute pour ça que mes parents l'ont laissé à la maison : nous sommes partis en trio dans leur bagnole.  Mes grand-parents paternels louaient à l'époque un condo dans une des grandes tours blanches avec vue sur la plage de Daytona, et c'est là que nous sommes échoués.



De multiples anecdotes se bousculent dans ma tête; les crabes qui envahissaient le moindre trou que j'entreprenais de creuser sur la plage, les lézards séchés au soleil que nous trouvions par dizaines sur les murs des cabines de bains, mon père observant les pitounes en bikini à partir du balcon du condo, jumelles aux yeux...  Mon grand-père m'avait offert un superbe poster de Samantha Fox que j'avais moi-même choisi dans un des légendaires "magasins de cossins" pour touristes.  Ma mère, plus conservatrice, m'avait payé toutes sortes de créatures en caoutchouc, et je marchais fièrement avec un boa autour du cou dans les rues de la ville.

La deuxième fois, quelques années plus tard, nous y sommes retourné, à nouveau en trio : mes parents étaient divorcés, et c'est mon père qui nous y conduisit, mon frère et moi, dans sa Turismo gold.  Sa grosse moustache de policier en imposait.

Il me semble que nous sommes partis pendant la semaine de relâche des morveux du primaire, et à notre grande surprise il faisait un froid de canard quand nous sommes finalement arrivés.  Nous devions porter des vestes en tout temps, le vent était frais et impitoyable, et rester étendu sur la plage était bien entendu hors de question.



Je ne me souviens pas très bien de toutes les activités que nous avons pratiqué pendant cette semaine là, mais nous avons encore une fois élu domicile dans le condo de Daytona Beach, qui offrait une vue imprenable sur les marcheurs de la plage.  En revenant vers Montréal, mon père avait acheté des "cartoons" de Winston, car une VHS des courses Nascar était offerte en boni à l'achat.  Il fumait comme une cheminée dans l'habitacle de la Turismo et mon petit frère en fut malade - il vômit littéralement partout sur le siège arrière.

*

Le phénomène des "snowbirds" a déjà été abordé de façon plutôt parodique dans LA FLORIDA, un film mettant en vedette Rémi Girard, Martin Drainville et Marie-Josée Croze.  Version québécoise des "Lavigueur" et précurseur des BOUGONS, ce métrage traite des péripéties vécues par une famille de classe (très) moyenne faisant l'achat d'un motel cheap en Floride, et faisant "son possible" pour l'administrer.  Tout cela est bien entendu romancé et idéalisé à la sauce "populaire".

Si on m'avait suggéré, jadis, que la réalité était plus sordide que la fiction, j'aurais eu beaucoup de mal à y croire.

Et pourtant, c'est ce que démontre le documentaire DAYTONA, du collectif "Amerika Orkestra", que j'ai visionné hier soir.  Datant de 2004 mais édité en DVD il y a quelques mois seulement, ce film-choc suit quelques morons de Québec (la ville) qui arrivent à Daytona Beach pendant le "spring break" pour, de leur propre aveu, "boire, se geler pis baiser".  Mais Daytona n'est peut-être pas le Sodom qu'on leur a promis, et ils le découvriront progressivement.

On suit tout au long du film quelques personnages de l'expédition : Lapointe, un jock terre-à-terre; Jessica, une jeune fille assez trash merci; un monsieur muscles, deux amis "average Joe", et un rappeur stoner avec son ami / admirateur muet.

Ils arrivent à Daytona avec une idée assez fantaisiste de ce qu'est la ville; Mr. Muscles nous explique sa vision des choses dès le départ en marchant sur la plage, saoul et torse nu et bombé.  Il dénigre la langue française car il n'est pas capable de communiquer avec les filles en bikini, décrète son admiration pour les bagnoles de luxe qui roulent sur la plage, et nous informe de sa certitude : il va se claquer une américaine dans la semaine.

Pendant ce temps, Jessica s'habille, confiant à la caméra qu'elle a arrêté de baiser depuis qu'elle a "tapé le 18" et qu'elle "se sent vieille".  Lapointe confie s'ennuyer de sa "petite femme" et semble être le seul à se rendre compte que ce qui se passe autour de lui dépasse les limites acceptables du trash.  Il faut le voir, complètement gelé, la langue sans cesse sortie, exposer sa théorie du "banc banane", et nous démontrer les mesures "acceptables" d'un cul féminin.

Partagé entre incrédulité et tristesse devant une réalité aussi sordide, le spectateur oscille ainsi entre la pitié pour ces "personnages", et le désespoir de voir que la jeunesse moyenne est tombée si bas.  Les rêves de ces adolescents sont bien simplets, ou alors complètement irréalistes : le rappeur confie à son ami qu'il trouverait ça vraiment bien "d'être connu dans le monde du hip hop et d'avoir une énorme maison, tsé là style californien, toute en blanc avec des vitres teintées en noir".

Le rêve chavire... et le "trip" finit un matin ensoleillé, alors que tout le monde remballe et se prépare à revenir sur terre, c'est-à-dire au Québec.  Nul besoin de dire que le visionnement de ce film est fortement recommandé pour tous ceux d'entre vous ayant besoin d'une forte dose de réalité en pleine face.  Parce qu'à force de vivre dans notre petit monde filtré, on finit par oublier que de telles choses existent...

***J'ai essayé sans succès de trouver une fuckin' jaquette du DVD, mais ça paraît quasiment impossible, dans des dimensions raisonnables. Si vous tombez dessus, send it my way !

1 Comments:

Blogger benjamAnt said...

Désolé; le lien que je te donnais était pour la jaquette de la bande originale, donc du CD, non pas celle du DVD. My bad!

9:06 PM

 

Post a Comment

<< Home